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Ce blog, voulu par l'Antenne Sociale Nord-Pas de Calais (voir profil), se veut un espace d'échanges et de réflexions partagées autour de questions de société, qui se posent dans la région (mais aussi ailleurs). Ces questions seront abordées sous l'angle de la dignité de tout être humain, dans la lignée de la pensée sociale de l'Église.

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mardi 24 août 2010

France, prends garde de perdre ton âme

C'était en 1941. L'État Français s'abandonnait aux mirages délétères de la collaboration avec l'Occupant qui allaient l'entraîner vers les rivages nauséabonds de la xénophobie et du racisme, quelques Chrétiens lyonnais éclairés par la lucidité du Père Chaillet lançaient, sous ce titre, les Cahiers du Témoignage Chrétien qui devinrent un des piliers de la Résistance spirituelle au totalitarisme hitlérien.

Nous n'en sommes pas là, Dieu merci ! Et il est à juste titre, malvenu d'instrumentaliser la mémoire historique. La République Française n'est pas Vichy et, quoi qu'en dise le Président, notre Nation n'est pas en guerre. Mais, puisque nos dirigeants, pour expliquer les difficultés actuelles du Pays, font amplement référence à la crise de 1929, il n'est pas indécent de faire rappel du climat malsain qu'ont véhiculé les sombres années 1930, prélude au grand cataclysme et à ses horribles débordements. On ne peut impunément proclamer que nous sommes plongés, depuis septembre 2008, dans la pire crise économique que le Monde ait connu depuis 1929, tout en oubliant que celle-ci façonne le terreau sur lequel ont prospéré les idéologies les plus perverses et les politiques les plus barbares que l'Humanité ait jamais endurées.

Et l'Histoire nous enseigne que, dans les périodes troubles de la vie des Nations, grande est la tentation pour les pouvoirs en place, de déchaîner la vindicte populaire contre les boucs émissaires faciles que sont les minorités ethniques ou religieuses ou bien les « ennemis intérieurs ». Des pogroms tsaristes aux nuits de cristal hitlériennes, les exemples fourmillent. Même notre France Républicaine et Démocratique ne fut pas totalement exempte de ce prurit xénophobe, comme le prouvent les émeutes anti-italiennes de la fin du XIXe siècle ou le bannissement des mineurs polonais au début des années 1930.

Ces dérives dramatiques dont les Juifs furent jadis les victimes les plus exposées, n'auraient pas, pu toutefois, se perpétuer sans l'acceptation plus ou moins consentie des populations. Un climat détestable, fait de peurs et de haines aux relents racistes ou xénophobes était entretenu par une cohorte de pécheurs en eau trouble : politiciens, polémistes, pseudo intellectuels en mal de démagogie. Ils étaient le relais des théories fumeuses sur les « races inférieures » ou des errements théologiques justifiant l'antisémitisme. Mais ils tiraient aussi profit de la lâcheté de bien des « éveilleurs de conscience » s'enfermant paresseusement dans le silence. Et notre Église, hélas, ne fut guère exempte de reproches à cet égard.

Voilà pourquoi il est juste de dire que les tracasseries multiples prises aujourd'hui à l'encontre des Roms rappellent de mauvais souvenirs. Et il y a lieu de s'inquiéter de ces discours ambigus mêlant délinquance et migration, insécurité et « gens du voyage », ou insinuant le soupçon quant à la légitimité de la nationalité. Et ces discours deviennent d'autant plus dangereux que les propos de comptoir relevant jusque là du Café du Commerce semblent désormais l'ordinaire des sommets de l'État. Peu à peu la gangrène pervertit sans la moindre retenue, l'opinion publique. Un ministre français annonce-t-il des contrôles fiscaux chez les Roms ? Et voici qu'un député belge (Roland Louis) déclare, tout de go, qu'il est évident que ces populations vivent de vols et de trafics. La boîte de pandore est grande ouverte. On sait comment cela commence, jusqu'où ira-t-on ?

Et après les Roms, quels seront les nouveaux boucs émissaires, tant il est vrai que leur expulsion du territoire national ne réglera en rien les difficultés du Pays ? On entrevoit déjà dans le collimateur, quelques victimes de choix. N'insinue-t-on pas que des familles modestes sont incapables de gérer elles-mêmes l'allocation de rentrée scolaire ? Ne suggère-t-on pas que les chômeurs seraient bien des profiteurs des « niches sociales » ? Et que les jeunes de banlieue ne sont que «racaille » à éliminer de nos cités ?... La vie est dure pour les pauvres sur qui retombe ce mépris, et à qui rien n'est pardonné, comme si pour eux, la délinquance de quelques uns méritait la condamnation sans merci de tous. Et comme si la délinquance financière des beaux quartiers, bien plus coûteuse pour la Nation, était poursuivie avec la même rigueur !

« France, prends garde de perdre ton âme ! ».
A Lyon, où fut lancé, jadis, cet appel à la conscience chrétienne, le Cardinal Barbarin, interrogé par un journaliste, a judicieusement répondu au nom de l'Évangile de Jésus Christ : « Tout ce que vous ferez au plus petit, c'est à moi-même que vous le ferez » Dans notre Église Catholique, des voix de plus en plus nombreuses jusqu'au plus haut de la Hiérarchie comme du plus profond de nos communautés de base, s'élevant pour éveiller les consciences. Puissent-ils être entendus et écoutés.

André BOCQUET, Président du CEAS du Valenciennois

1 commentaire:

  1. merci pour ce texte - il me semble qu'y fait écho ce communiqué de la Communauté Mission de France, publié le 29 juillet dernier :

    La Communauté Mission de France compte parmi ses membres de nombreuses personnes engagées auprès des Roms et des Gens du voyage.

    Suite aux déclarations du Ministre de l’Intérieur, la Communauté Mission de France tient à réagir et à s’associer à la prise de position de Mgr Raymond Centène et Mgr Claude Schockert, responsables de la Pastorale des Gens du voyage et des Migrants, rejoignant la conclusion de leur texte.

    Nous ne pouvons nous résoudre « à voir les Rom et Gens du voyage victimes de préjugés et d’amalgames, boucs-émissaires désignés des difficultés de notre société, alors qu’ils en sont souvent les premières victimes.
    Nous sommes convaincus que le remède à la peur et à l’insécurité ne se trouve pas dans une surenchère sécuritaire mais passe par une action de longue haleine nourrie de respect et de connaissance réciproques. »

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